Ein Sof (Infini) et Méditation pour tous

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La Méditation fondée sur les principes de la Kabbale peut-elle être pratiquée par toutes et tous ? Et comment ?

Pour répondre à ces deux questions, il nous faut tout d’abord comprendre ce que revêt le sens du mot Ein Sof pour les kabbalistes.

Dans la Kabbale, l’Ein Sof (littéralement « sans fin » ou « infini ») désigne l’Essence divine dans son infinité absolue, au-delà de toute qualification ou description.

Ce concept illustre parfaitement l’approche apophatique :

•         L’Ein Sof transcende toute catégorie et tout attribut humainement concevable.

•         Il ne peut être saisi ou défini par aucun concept positif.

•         On ne peut en parler qu’en termes de ce qu’il n’est pas.

L’apophatisme, ou théologie négative, joue un rôle important dans la tradition kabbalistique et dans la pratique de la Méditation.

. Manifestations de l’apophatisme kabbalistique

Négation des attributs divins

Les kabbalistes insistent sur l’impossibilité de décrire positivement l’Essence divine. Ils rejettent toute attribution de qualités spécifiques à la Divinité, considérant que cela limiterait son infinité.

Le Tsimtsoum

La doctrine du Tsimtsoum (contraction ou rétraction divine) illustre également une forme d’apophatisme. Elle décrit comment la Divinité se « retire » en elle-même pour laisser place à la création.

L’herméneutique kabbalistique cherche souvent à dépasser le sens littéral des textes sacrés pour atteindre des significations cachées et ineffables, reflétant ainsi une approche apophatique de l’interprétation.

Union mystique : L’apophatisme dans la Kabbale est également lié à l’idée de l’union mystique avec la Divinité, où l’âme cherche à transcender les limitations de la connaissance humaine pour atteindre une compréhension directe et intuitive de la divinité. Cela implique souvent un processus de purification et de négation des concepts humains pour se rapprocher de l’infini.

. Kabbalistes et apophatisme

Plusieurs kabbalistes importants ont développé des approches apophatiques dans leurs écrits sur la nature divine. Voici quelques-uns des auteurs les plus influents en la matière :

Azriel de Gérone

Azriel de Gérone (13e siècle) est considéré comme l’un des premiers kabbalistes à avoir fortement intégré l’apophatisme dans sa pensée. Il a introduit le concept d’Ein Sof (l’Infini divin) comme étant au-delà de toute compréhension et description humaine. Azriel insistait sur l’idée que la Divinité, dans son essence la plus profonde, transcende toute qualification positive.

Moïse de Leon

Moïse de Leon (13e siècle), l’auteur présumé du Zohar, a également développé des idées apophatiques. Dans le Zohar, on trouve de nombreux passages soulignant l’ineffabilité et l’incompréhensibilité de l’essence divine ultime.

Moïse Cordovero

Au 16e siècle, Moïse Cordovero a approfondi l’approche apophatique dans ses écrits kabbalistiques. Il a notamment exploré la tension entre la transcendance absolue de la divinité (Ein Sof) et ses manifestations plus accessibles à travers les sefirot.

Isaac Louria

Isaac Louria (16e siècle), fondateur de la Kabbale lourianique, a poussé plus loin les concepts apophatiques. Sa doctrine du tsimtsoum (la « contraction » divine) illustre l’idée que l’Essence divine est si transcendante qu’elle doit se « retirer » pour laisser place à la création.

Abraham Aboulafia

Bien que moins connu pour son apophatisme, Abraham Aboulafia (13e siècle) a développé des techniques de méditation kabbalistique visant à transcender les limites du langage et de la pensée conceptuelle pour atteindre une expérience directe du divin ineffable.

Maïmonide (RaMBaM)

Les fondements de la conception maimonidienne

•         Maïmonide soutenait qu’on ne peut attribuer à la divinité des qualités positives, car celles-ci limiteraient son infinité et son unité. (Guides des Egarés Chapitre 1: 58).

•         Au lieu de cela, on ne peut parler de la Divinité qu’en termes de ce qu’il n’est pas, c’est-à-dire par des attributs négatifs.

Types d’attributs

Selon Maïmonide deux attributs sont légitimes pour décrire la Divinité :

1.       Attributs négatifs – décrivant ce que la Divinité n’est pas.

2.       Attributs d’action – décrivant les actions de la Divinité dans le monde, et non son essence.

Maimonide cite à l’appui de sa thèse les deux versets bibliques suivants :

« א אַל-תְּבַהֵל עַל-פִּיךָ וְלִבְּךָ אַל-יְמַהֵר, לְהוֹצִיא דָבָר לִפְנֵי הָאֱלֹהִים:  כִּי הָאֱלֹהִים בַּשָּׁמַיִם וְאַתָּה עַל-הָאָרֶץ, עַל-כֵּן יִהְיוּ דְבָרֶיךָ מְעַטִּים. » (קהלת ה: א)

« N’ouvre pas la bouche avec précipitation; que ton cœur ne soit pas prompt à proférer quelque parole devant le Seigneur, car le Seigneur est au ciel, et toi, tu es sur la terre; c’est pourquoi tes propos doivent être peu nombreux.  » (Ecclesiaste 5: 1)

« ב  לְךָ דֻמִיָּה תְהִלָּה אֱלֹהִים »  (תהלים סה: ב)

« A toi, ô Seigneur, la louange silencieuse, contemplative » (Psaume 65: 2)

Les avantages des attributs négatifs

•         Selon Maïmonide, plus nous nions d’attributs à la Divinité, plus nous nous rapprochons d’une compréhension véritable de son Essence.

•         Les attributs négatifs nous permettent de nous approcher de la compréhension de Divinité sans le limiter ou le définir positivement.

Influence sur la prière et le culte

•         Maïmonide critiquait l’utilisation d’attributs positifs dans la prière, arguant que cela pouvait conduire à une conception erronée de la Divinité. Cependant, il reconnaissait le besoin humain de décrire la Divinité dans un langage compréhensible, et permettait donc l’utilisation d’attributs d’action.

L’approche de Maïmonide des attributs négatifs constitue une pierre angulaire de la théologie apophatique hébraïque, reflétant sa tentative de concilier la croyance religieuse avec la conception philosophique d’une Divinité transcendante et insaisissable.

Ces kabbalistes ont tous contribué, à leur manière, à développer une approche de la divinité universelle qui souligne son caractère ultimement inconnaissable et indescriptible, tout en cherchant des voies pour s’en approcher à travers des pratiques mystiques et contemplatives.

Ein Sof et Bible

L’incompréhensibilité ou de la transcendance divine transparaît dans de nombreux versets bibliques.

« וַיֹּאמֶר לֹא תוּכַל לִרְאֹת אֶת פָּנָי כִּי לֹא יִרְאַנִי הָאָדָם וָחָי » (שמות לג: כ)

« Il dit: Tu ne pourras pas voir ma face, car l’homme ne peut me voir et vivre. » (Exode 33: 20)

Ce verset souligne l’impossibilité pour l’homme de percevoir directement l’essence divine.

« וְנִשְׁמַרְתֶּם מְאֹד לְנַפְשֹׁתֵיכֶם כִּי לֹא רְאִיתֶם כָּל תְּמוּנָה בְּיוֹם דִּבֶּר יְהוָה אֲלֵיכֶם בְּחֹרֵב מִתּוֹךְ הָאֵשׁ » (דברים ד: טו)

« Prenez donc bien garde à vous-mêmes, puisque vous n’avez vu aucune figure le jour où l’Éternel vous parla du milieu du feu, au Horeb. » (Deutéronome 4: 15)

Ce verset met en garde contre toute tentative de représenter la Divinité sous une forme physique.

« כִּי לֹא מַחְשְׁבוֹתַי מַחְשְׁבוֹתֵיכֶם וְלֹא דַרְכֵיכֶם דְּרָכָי נְאֻם יְהוָה. כִּי גָבְהוּ שָׁמַיִם מֵאָרֶץ כֵּן גָּבְהוּ דְרָכַי מִדַּרְכֵיכֶם וּמַחְשְׁבֹתַי מִמַּחְשְׁבֹתֵיכֶם » (ישעיהו נה: ט)

« Car mes pensées ne sont pas vos pensées, et vos voies ne sont pas mes voies, dit l’Éternel. Autant les cieux sont élevés au-dessus de la terre, autant mes voies sont élevées au-dessus de vos voies et mes pensées au-dessus de vos pensées. » (Isaïe 55:8-9)

Ces versets soulignent la transcendance des pensées et des voies divines par rapport à celles des humains.

Méditation pour toute l’Humanité

Si l’essence divine est inaccessible, comment alors est-il possible de se rapprocher du Ein Sof ?

La méditation sur les lettres hébraïques et les sephirot rend possible ce rapprochement.

Les sephiroth sont considérées comme des manifestations ou émanations de l’Ein Sof (l’infini divin) dans le processus de création. Les sephiroth forment un système de canaux par lesquels l’énergie divine circule et se manifeste dans la création et représentent les étapes du chemin spirituel – 32 voies – permettant à l’âme de retourner à sa source divine.

Les 22 lettres de l’alphabet hébraïque et les 10 sefirot forment le mot LeV /  לֵב(« cœur ») dont la valeur numérique est 32. Les deux consonnes composant le mot LeV /  לֵב (« cœur ») rappellent respectivement la consonne Lamed ל du dernier mot de la Tora et la première consonne Beit- ב débutant la Tora.

Autrement dit, la révélation du secret des 32 voies de Méditation contenus dans le livre de la Tora est à même de conduire le méditant vers l’Ein Sof, la Source du Tout et de la Vie.

La méditation kabbalistique, bien qu’enracinée dans la tradition hébraïque, peut offrir des enseignements et des pratiques bénéfiques pour toute l’humanité. Voici quelques aspects de la méditation kabbalistique qui pourraient être pertinents pour l’ensemble de l’Humanité :

1. Connexion à une réalité supérieure : La méditation kabbalistique vise à établir un lien avec les dimensions spirituelles au-delà du monde physique, ce qui peut apporter un sens de transcendance et de but à toute personne, quelle que soit sa croyance.

2. Travail sur les traits de caractère : Les pratiques kabbalistiques mettent l’accent sur l’amélioration de soi et la transformation des traits de caractère négatifs, ce qui est universellement applicable.

3. Équilibre intérieur : La Kabbale enseigne l’importance de l’équilibre entre différentes forces ou énergies, ce qui peut aider à atteindre l’harmonie intérieure.

4. Conscience élargie : Les techniques de méditation kabbalistique visent à élargir la conscience, permettant une compréhension plus profonde de soi-même et du monde.

5. Guérison et bien-être : Certaines pratiques kabbalistiques sont axées sur la guérison spirituelle et émotionnelle, ce qui peut être bénéfique pour la santé mentale et le bien-être général.

6. Interconnexion : La Kabbale souligne l’interconnexion de toutes choses, encourageant une perspective plus holistique et compatissante envers le monde. Toutes les créatures sont unies par un lien de Vie.

7. Créativité et intuition : Les pratiques méditatives kabbalistiques peuvent stimuler la créativité et l’intuition, des qualités précieuses dans de nombreux domaines de la vie.

En adaptant librement ces concepts et pratiques dirigées par un maître ou un enseignant, la méditation kabbalistique offre de précieux outils pour le développement personnel et spirituel à l’échelle mondiale, tout en respectant la diversité des croyances et des cultures.

Haïm Ouizemann

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