Les deux voies de la Méditation – Partie 2

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Après la méditation de la contemplation active, (HiTBoNeNOuT הִתְבּוֹנְנוּת), nous étudierons aujourd’hui la seconde Méditation de l’isolement: HiTBoDeDOuT הִתְבּוֹדְדוּת

Méditation de l’isolement (retrait du monde):

La Méditation de l’isolement ou de retrait volontaire constitue une technique qui met l’accent sur la déconnexion de l’environnement externe à des fins de connexion interne. L’on parle alors d’enstase, expérience spirituelle que l’on peut décrire comme un état où l’activité mentale ordinaire de réflexion dirigée vers l’extérieur cesse, laissant place à une activité de lâcher prise et de libération intérieure pouvant conduire à une forme de joie, de clarté et de sérénité intérieures. Le méditant plonge au plus profond de son être et de sa conscience. Il s’agit d’une forme d’introspection intense où le méditant cherche à se dépouiller des scories[1] – la recherche des honneurs, de l’argent, des passions et des pulsions du corps – entourant son moi le plus profond. Ces scories constituent un frein, un écran empêchant le flux de la lumière divine[2] du Ein Sof אֵין-סוֹף de pénétrer notre corps et notre conscience.

Le but recherché dans cette expérience d’isolement(HiTBoDeDOuT הִתְבּוֹדְדוּת) est d’aller à la rencontre avec le Ein Sof אֵין-סוֹף.

De nombreuses figures bibliques pratiquent la Méditation de la Retraite:

  • Le Patriarche Isaac :
סג וַיֵּצֵא יִצְחָק לָשׂוּחַ בַּשָּׂדֶה לִפְנוֹת עָרֶב וַיִּשָּׂא עֵינָיו וַיַּרְא וְהִנֵּה גְמַלִּים בָּאִים. (בראשית כד: סג)63 Et Isaac était sorti dans les champs pour se livrer à la méditation, à l’approche du soir. En levant les yeux, il vit que des chameaux s’avançaient. (Exode 24: 63)

Le grand commentateur médiéval Rashi commente :

« Pour méditer ( לָשׂוּחַ LaSsOua‘H) Ce mot a le sens de ‘méditer’, comme dans: ‘il épanche sa prière (yshpo’h si‘ho יִשְׁפֹּךְ שִׂיחוֹ Psaume 102, 1)’  » (Rashi sur le verset 24: 63).

  • Moïse se retire dans le désert, le lieu même où se révèle la Parole divine, du Ein Sof[3].
א וּמֹשֶׁה הָיָה רֹעֶה אֶת-צֹאן יִתְרוֹ חֹתְנוֹ כֹּהֵן מִדְיָן וַיִּנְהַג אֶת-הַצֹּאן אַחַר הַמִּדְבָּר וַיָּבֹא אֶל-הַר הָאֱלֹהִים חֹרֵבָה. (שמות ג: א)1 Or, Moïse faisait paître les brebis de Jéthro son beau-père, prêtre de Midian. Il avait conduit le bétail au fond du désert et était parvenu à la montagne divine, au mont Horeb. (Exode 3: 1; cf. Commentaires de Sforno et du Rabbin Adin Steinzaltz)
  • Hannah (Anne) (I Samuel 1: 12-13)
  • Le prophète Elie (Elyihaou):
ט וַיָּבֹא-שָׁם אֶל-הַמְּעָרָה וַיָּלֶן שָׁם וְהִנֵּה דְבַר-יְהוָה, אֵלָיו וַיֹּאמֶר לוֹ מַה-לְּךָ פֹה אֵלִיָּהוּ. (מלכים א, יט: ט)9 Là, il entra dans une caverne, où il passa la nuit. Et voici que la voix divine s’adressa à lui, disant: Que fais-tu là, Elie? (I Rois 19: 9)

De nombreux mystiques kabbalistes mettent l’accent sur l’importance de cette Méditation de la HiTBoDeDOuT הִתְבּוֹדְדוּת. Parmi eux se trouvent Bayah Ibn Pakouda (« Hovot HaLevavot חוֹבוֹת-הַלְּבָבוֹת, les Devoirs du cœur »), Rabbi Na’hman de Breslev ( לִיקּוּטִי-מוֹהֶרָ »ן Likoutey Moharan) :

« דַּע, שֶׁעִקַּר הַבִּטּוּל, שֶׁאָדָם מְבַטֵּל יֵשׁוּתוֹ וְנַעֲשֶׂה אַיִן, וְנִכְלָל בְּאַחְדוּת הַשֵּׁם יִתְבָּרַךְ, אֵין זֶה אֶלָּא עַל־יְדֵי הִתְבּוֹדְדוּת. » (ליקוטי מוהר »ן נ״ב:ה׳)

« Sache que l’essentiel de l’annihilation de l’Homme annihilant son existence pour ne devenir que « néant » (אַיִן anagramme du pronom personnel je/moi אֲנִי ) et s’unir à l’Unité du Nom béni [Union mystique ou דְּבֵקוּת DeVeQuT, attachement au Ein Sof אֵין-סוֹף]) n’est possible que par la retraite הִתְבּוֹדְדוּת » (Likoutey Moharan 52 :5).

Les Sages d’Israël pratiquaient couramment l’expérience de cet isolement afin de se préparer à la prière en public:

« חֲסִידִים הָרִאשׁוֹנִים הָיוּ שׁוֹהִין שָׁעָה אַחַת, וּמִתְפַּלְּלִין, כְּדֵי שֶׁיְּכַוְּונוּ לִבָּם לַאֲבִיהֶם שֶׁבַּשָּׁמַיִם. » (תלמוד בבלי ברכות ל: ב)

« Les premiers Sages appelés Hassids méditaient (littéralement: reposaient leur esprit) une heure et se rendaient à leur prière journalière afin de pouvoir y diriger leur cœur[4] vers leur Père qui est dans les cieux » (Talmud de Babylone, Traité Berakhot 30: b).

La méditation marque un temps de repos mental extrême au cours duquel le méditant y concentre toutes ces forces intérieures dans le but de les exploiter dans la vie quotidienne.

Comment pratiquer cette Méditation ?

Il s’agit d’un processus au cours duquel le méditant trouve un endroit calme et isolé, comme dans la nature – la mer, le désert, la montagne – ou dans une pièce privée, et consacre du temps à une conversation intérieure avec lui-même et avec le Divin ou Ein Sof, la Source de Vie.

Ce retrait momentané du monde permet à une personne d’exprimer ses sentiments, de partager ses pensées et de demander un conseil ou une aide. C’est une manière de développer une relation personnelle et sans médiation avec la divinité/Ein Sof, tout en recherchant des réponses et une compréhension intérieure aux difficultés intérieures et aux épreuves de la vie.

L’exemple de ‘Hannah (Anne) est, à ce propos, riche d’enseignement dans la mesure où sa souffrance de femme stérile la conduit à méditer et à verser tout son cœur vers la Divinité :

יב וְהָיָה כִּי הִרְבְּתָה לְהִתְפַּלֵּל לִפְנֵי יְהוָה… יג וְחַנָּה הִיא מְדַבֶּרֶת עַל-לִבָּהּ, רַק שְׂפָתֶיהָ נָּעוֹת וְקוֹלָהּ לֹא יִשָּׁמֵעַ… (שמואל א, א: יב-יג)12 Or, comme elle [Hannah] priait longuement devant l’Eternel… 13 Hanna parlait en son cœur [en elle-même]; on voyait seulement remuer ses lèvres… (I Samuel 1: 12-13).

La méditation de Hannah peut se décomposer en trois parties:

  • Longueur: Hannah insiste et reste résiliente face à la douleur de sa stérilité.
  • Introspection: le verbe לְהִתְפַּלֵּל/prier est construit à partir de la racine verbale  P. L.L. /.פ.ל.ל signifiant « juger ». Grammaticalement, le verbe est à la forme du hitpael et signifie ici « s’auto-juger », autrement dit avoir la faculté de se mesurer à soi-même.  
  • Silence: la méditation est dirigée vers l’intérieur de l’être et jamais vers l’extérieur.

6 techniques pour pratiquer cette Méditation de retrait:

Pour commencer à pratiquer cette Méditation de retrait, plusieurs techniques recommandées peuvent vous aider :

Trouver un endroit calme : Choisissez un endroit où vous pouvez être seul et tranquille loin des regards étrangers. Cela peut être dans la nature près ou loin de chez vous (parcs naturels, désert, montagne, mer…), dans une pièce privée, partout où vous vous sentez à l’aise et déconnecté des distractions extérieures. Il est nécessaire de se couper du bruit extérieur en éteignant tous les écrans des téléphones portables et des ordinateurs. Le chant des oiseaux, le son des vagues ou de la rivière, le bruissement des feuilles, participent à l’expérience d’immersion.

Prévoyez un moment fixe: fixez un certain moment dans la journée où vous pourrez vous consacrer à la pratique de la solitude et de la retraite. Adhérer à une routine régulière peut aider à approfondir la pratique et à développer des habitudes spirituelles.

 Concentrez-vous sur la respiration: utilisez la respiration comme un outil de relaxation et de concentration. Se concentrer sur la respiration peut aider à calmer vos pensées et vous amener à un état de paix intérieure. Je recommande de fixer simplement son attention sur le lieu du plexus solaire et prendre ainsi conscience de sa propre respiration. Ce simple exercice a pour avantage d’éloigner les pensées parasites susceptibles de brouiller notre immersion intérieure.

Conversation intérieure: Pendant la retraite, passez du temps en conversation intérieure avec vous-même et avec le Divin/’Ein Sof, la Source de Vie. C’est le moment d’exprimer ses sentiments, de partager ses pensées et de demander des conseils ou de l’aide. Contrairement à la première Méditation de HiTBoNeNOuT / Contemplation, ce processus relevant de l’émotionnel permet le développement d’une relation personnelle et immédiate avec le Divin ou Ein Sof.  

Utilisation de lettres, de versets ou d’idées: la répétition contrôlée de lettres hébraïques, de versets bibliques peut aider à approfondir la connexion spirituelle et à garder l’esprit concentré. En effet, la pensée ne peut en aucune manière se trouver à deux endroits différents dans un temps donné.

« אֲתָּה נִמְצָא בַּמָּקוֺם בּוֺ נִמְצָאוֺת מַחְשְֺבוֺתֶיךָ. וְדָא שֶׁמַחְשְֺבוֺתֶיךָ נִמְצָאוֺת בַּמָּקוֺם בּוֺ אֲתָּה רוֺצֶה לִהְיוֺת » (רבי נחמן מברסלב)

« Tu te trouves à l’endroit même de tes propres pensées. Et sache que tes pensées se trouvent exactement lâ où tu voudrais être. » (Rabbi Na’hman de Breslev).

Il est bon de faire appel aux lettres hébraïques ou à l’un des versets bibliques qui aident à nous faire entrer en nous-mêmes et à briser la gêne parfois ressentie lors de la retraite.

Utilisation d’une langue familière: pendant les moments de retraite, il est recommandé de vous exprimer dans la langue que vous avez l’habitude de parler, afin que l’attention aux mots permette l’intention.

En utilisant ces techniques de pratique méditative, vous pouvez commencer à pratiquer l’isolement de la retraite et ressentir les bienfaits spirituels et mentaux qu’elle offre.

Quelle est l’influence positive de la Méditation du Retrait : HiTBoDeDOuT  הִתְבּוֹדְדוּת?

. Influence personnelle

Liberté et expression de soi: Lorsque nous sommes seuls, nous nous sentons plus libres de nous engager dans des activités que nous choisissons sans tenir compte des sentiments des autres. Cela nous permet de nous exprimer de manière plus authentique.

Créativité: Des études montrent que la solitude stimule la créativité et nous permet de développer de nouvelles idées dans tous les domaines possibles, dans l’art, la musique, la poésie, la littérature, le leadership… Le temps passé seul nous permet de nous concentrer et de réfléchir plus profondément .

Développement personnel: La solitude et le retrait en soi permettent l’introspection et l’intimité. C’est un temps essentiel pour forger notre identité personnelle et notre voix unique, sans influences extérieures.

. Influence sociale :

Performances améliorées : Lorsque nous sommes seuls, nous pouvons nous concentrer davantage sur nos tâches sans être distraits par les autres. Cela peut conduire à de meilleures performances dans certaines œuvres et à une plus grande concentration et attention à autrui.

Avantages spirituels

Élévation spirituelle: la retraite offre une opportunité de renforcer la connexion spirituelle et le développement personnel.

Contemplation et réflexion: La solitude permet un temps de réflexion profonde et d’introspection propices à donner du sens à notre vie et à notre monde.

Les deux pratiques de Méditation, la HiTBoNeNOuT הִתְבּוֹנְנוּת et la HiTBoDeDOuT הִתְבּוֹדְדוּת offrent différentes manières d’atteindre une connexion spirituelle profonde et une croissance personnelle, chacune à sa manière et ne sont en rien incompatibles, bien au contraire, elles se fécondent mutuellement. De plus, le dénominateur commun propre à ces deux voies de Méditation réside dans la notion de « flow » (« flux »). Ce terme rendu en hébreu par le terme שֶׁפַע ShePha’ signifie à la fois « courant » – s’efforcer de ne jamais se détacher du thème étudié ou de la méditation par un effort de concentration soutenu – et « abondance » s’écoulant et provenant de la Source de Vie pour le bien-être de tous les êtres vivants.

Dans nos cours, nous apprendrons comment pratiquer combiner ces deux formes sublimes de Méditation pour donner du sens à notre vie et pouvoir aider les nôtres à vivre une vie plus sereine, plus harmonieuse, une vie porteuse de signification.


[1] Ce détachement de la matière est dénommé par les kabbalistes HiTPaShTOuT GaShMIT הִתְפַּשְּׁטוּת גַּשְׁמִית /.

[2]  Cette lumière divine peut se diviser en deux parties : la lumière intérieure (Or Pnimi אוֹר פְּנִימִי ) et lumière entourante (Or Makif אוֹר מַקִּיף ). Nous reviendrons sur ce thème de la lumière dans un prochain article.

[3]  Le terme hébraïque בַּמִּדְבָּר MiDBaR traduit généralement par le terme « désert » signifie sur le plan étymologique « le lieu duquel émane la Parole ». Le désert est le lieu privilégié pour se connecter a soi-même et au Divin.

[4] Direction du cœur ou KaVaNaH כַּוָּונָה.

Shabbat shalom !

Haïm Ouizemann

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