Selon le récit biblique traditionnel, la sortie d’Égypte (יְצִיאַת מֵצָרִים Yetsi’at Mitzraïm) est un événement historique et miraculeux au cours duquel l’Eternel libère les Hébreux de l’esclavage en Égypte. L’on assiste à l’évocation des dix plaies, l’ouverture de la mer des Joncs, et le leadership de Moïse, le berger du peuple d’Israël qui est l’instrument grâce auquel l’Eternel produit de nombreux miracles visibles.
L’approche méditative juive
Dans son livre « Méditation juive » (« Jewish Meditation », 1995), le Rabbin Aryeh Kaplan (1934-1983) interprète l’Exode comme une métaphore spirituelle :
• Libération intérieure : L’Égypte symbolise les limites (matérielles, psychologiques, mentales et psychiques), et la sortie représente l’émancipation de l’âme et son épanouissement.
• Symbolisme des plaies : Elles illustrent la lutte entre la lumière (spiritualité) et les ténèbres (ego, matérialité).
L’Exode, selon l’approche méditative du Rav Aryeh Kaplan, se fonde sur une interprétation profondément mystique de l’Exode, transformant cet événement biblique en un parcours méditatif personnel.
Les dimensions méditatives de l’Exode :
• L’Égypte pharaonique est vu comme état de conscience où le Mal et le Bien s’opposent dans un combat d’ordre cosmique. Le nom hébraïque de l’Egypte, מִצְרַיִם Mitzraïm (Égypte) signifie « les limites ». Kaplan y voit une allégorie des contraintes psychologiques (peurs, ego, attachements matériels). La libération physique symbolise la transcendance spirituelle.
• Les Dix plaies : purification intérieure
Chaque plaie correspond à la destruction d’une « impureté psychique ». Par exemple :l’obscurité (9e plaie) symbolise l’ignorance spirituelle.
• La traversée de la mer Rouge : lâcher-prise
Kaplan compare cet épisode à un acte de foi méditatif. Le verset » יְהוָה, יִלָּחֵם לָכֶם; וְאַתֶּם, תַּחֲרִשׁוּן Hachem yila’hem lakhem ve’atem ta’harishoun » (« L’Éternel combattra pour vous, gardez le silence », Exode 14:14) devient un mantra pour calmer le mental et incarne l’intention profonde d’abandonner les doutes, les peurs et les distractions, et s’ouvrir à la confiance absolue en une force supérieure, l’ אֵין סוֹףEin Soph, sur l’exemple des Hébreux qui sacrifièrent l’agneau pascal témoignant de leur volonté intérieure de se libérer totalement des chaînes de l’asservissement et du culte idolâtre sévissant en Egypte.
Techniques pratiques
- הִתְבּוֹדְדוּת Hitbodedout (méditation solitaire) : Dialoguer avec l’Eternel/ אֵין סוֹף Ein Soph comme Moïse, en intégrant des passages de l’Exode.
• Mantras bibliques[1] : Répéter les 4 termes de la Rédemption pour ancrer la libération intérieure :
Les quatre expressions de la délivrance
Les quatre expressions de la délivrance sont quatre formules qui apparaissent au début du livre de l’Exode (Paracha Vaéra), dans lesquelles l’Eternel promet à Moïse et au peuple d’Israël leur libération de l’esclavage en Égypte. Ces expressions représentent différentes étapes du processus de la délivrance (Exode 6, 6-7) et constituent la base de la coutume de boire quatre coupes de vin lors du Seder de Pessa’h.
1 – וְהוֹצֵאתִי Je vous ferai sortir de dessous les fardeaux de l’Égypte
– Faire sortir les enfants d’Israël de la souffrance et de la torture physique de l’esclavage.
2 – וְהִצַּלְתִּי Je vous délivrerai de leur servitude
– Les sauver de l’état d’esclaves, c’est-à-dire mettre fin à leur statut d’esclaves.
3 – וְגָאַלְתִּי Je vous rachèterai à bras étendu et par de grands jugements – Les délivrer par des miracles et les plaies d’Égypte, qui expriment l’intervention divine en faveur d’Israël.
4 – וְלָקַחְתִּי Je vous prendrai pour Moi comme peuple, et Je serai votre Seigneur
– Faire du peuple d’Israël un peuple élu, conclure l’alliance et les transformer officiellement en peuple du Seigneur.
• Les étapes du Seder comme parcours spirituel : Pendant le Seder, chaque étape peut être un moment de méditation. Par exemple, en mangeant la מַצָּה matsah (pain azyme d’affliction, de pauvreté), prenez un moment pour contempler l’humilité et la simplicité. Lorsqu’on consomme les herbes amères, réfléchissez à la douleur transformée en croissance.
· Hallel et gratitude : La récitation du Hallel[2] pendant Pessa’h est un acte de louange et de gratitude. Méditez sur ces émotions et connectez-les à des expériences personnelles de libération ou de gratitude.
• Prière et intention (כַּוָּנָה Kavanah): Avant ou pendant Pessa’h, méditez sur l’intention (« כַּוָּנָה kavanah ») de cette fête. En quoi l’évocation de la Sortie d’Egypte de l’esclavage s’inscrit-elle dans notre quotidien personnel ? Visualisez le fait de brûler votre propre חָמֵץ ‘hamets, (pain renfermant de la levure) symbole d’orgueil et d’égotisme. Identifiez-vous avec la matza, le לֶחֶם עוֹנִי lekhem ‘oni pain de pauvreté (pain sans levure) symbolisant l’humilité et le don de soi.
Aryeh Kaplan intègre des éléments de la psychologie moderne (états altérés de conscience) tout en restant ancré dans les textes juifs classiques. Son approche fut pionnière pour reconnecter la méditation aux sources hébraïques.
L’Exode n’est pas qu’un souvenir, mais un processus toujours accessible lors duquel chaque homme est un Moïse en puissance.
Hag Pessa’h Sameah!
Haïm Ouizemann
[1] « Bien que la méditation par mantra ne soit pas la forme de méditation la plus typique dans le judaïsme, elle est l’une des plus simples. Comme dans la méditation en général, elle consiste à répéter un mot ou une phrase encore et encore, généralement pendant une demi-heure chaque jour. L’élément le plus important de cette méditation est qu’elle soit pratiquée quotidiennement et qu’il y ait un engagement à poursuivre la pratique pendant au moins un mois. Il faut généralement entre trente et quarante jours pour que les résultats de ce type de méditation deviennent manifestes ». (« Jewish Meditation », p. 55, Aryeh Kaplan).
[2] « Hallel Shalem » signifie « le Hallel complet » ou « le Hallel entier ».
Il s’agit d’une prière juive de louanges composée des Psaumes 113 à 118, récitée lors de certaines fêtes.
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